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L'arche de Guy Gilbert

Après la Suisse et une étape amicale dans le Queyras, nous nous mettons en route pour le Sud de la France, où nous rejoignons d'abord la famille de Bao. L'occasion également d'interviewer une "star": le prêtre catholique des loubards, Guy Gilbert!

Guy Gilbert, qui hait le matin selon son T-shirt ;-)

Nous le retrouvons dans sa bergerie de Faucon à Rougon, près des gorges du Verdon, où vivent une dizaine de jeunes "loubards" en réinsertion sociale, entourés d'éducateurs et de très nombreux animaux! Daims, paons, poules, sangliers et même dromadaires (appelés Obama et Ben Laden par les jeunes) se côtoient dans cette véritable arche de Noé. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous sommes venus le voir: parce qu'il explique dans son livre "La magie des animaux" comment les jeunes s'humanisent au contact des animaux. Leur pouvoir thérapeutique est ainsi bien supérieur à celui que des hommes pourraient leur offrir...

La Bergerie de Faucon


Pourquoi? Tout d'abord, parce que les animaux sont des êtres qui ne jugent jamais, mais également qui ne mentent pas. Pour des jeunes qui ont été face à des adultes au regard réprobateur ou manipulateur, le contact avec les animaux leur redonne confiance en eux-mêmes et apaise leurs angoisses. Les animaux les acceptent tels qu'ils sont... Des jeunes qui détestent les gens peuvent ainsi adorer les bêtes! Les espèces ont été soigneusement choisies par Guy Gilbert en fonction de ce qu'elles pouvaient apporter aux jeunes: si l'agneau éveille leur tendresse, le paon force leur admiration et le daim farouche leur apprend la patience. Apprivoiser un animal sauvage demande en effet patience et douceur, autant de qualités que le jeune cultivera naturellement suite au désir de pouvoir approcher l'animal. Devoir s'occuper de nourrir les animaux, c'est aussi se sentir utiles. Les animaux servent parfois également de substitut pour que les jeunes puissent soigner leurs propres plaies enfantines: ainsi les jeunes auront tendance à s'occuper avec beaucoup de ferveur des animaux blessés, leur rappelant leurs propres blessures (beaucoup ont été battus par leurs parents...). Si l'animal permet de recevoir de l'amour, il permet surtout d'en donner, et c'est cela qui sauve, écrit Guy Gilbert...

Le château des lapins, construit par les jeunes! L'histoire de ce château est intéressante: le jeune en charge de nourrir les lapins, tout juste sorti de prison, ne supportait pas de voir les lapins en cages. Il décida alors de les relâcher dans la nature. Ce fut toute une affaire pour les récupérer ;-) Guy Gilbert lui proposa alors de construire un château pour les lapins, ce qui fut chose faite!

Lorsqu'un animal aimé vient à mourir, c'est le drame. Certains replongent... Comme certaines bêtes de la ferme sont également abattues pour être mangées (en particulier en ce moment les portées trop nombreuses de sangliers), les jeunes découvrent également l'origine de la viande et se questionnent. Certains ne veulent plus en manger, d'autres la préfèrent très cuite.


Pour Guy Gilbert, ces animaux qui sauvent les hommes devraient bien avoir une petite place au paradis...


Il nous rappelle enfin que le but dernier est bien que les jeunes puissent rencontrer plus tard à nouveau les hommes, et cela fonctionne! Aujourd'hui, la ferme est visitée chaque jour par des dizaines de familles avec enfants, et les jeunes font la visite.

Un daim à la bergerie


Quelques mots à présent sur le contexte de l'interview, qui fut on ne peut plus folklorique! Connaissant le personnage haut en couleur, nous nous attendions à nous faire insulter, ce qui fut chose faite dès notre arrivée: "vous êtes chiants vous, l'interview c'était hier!"... alors qu'elle était bien ce jour-là (après vérification dans son agenda "ah oui..."). Mais du coup, il nous a fait poiroter pendant près de 2 à 3 heures. Car en fait, la bergerie était noire de monde: il y avait tout plein de visiteurs qui venaient voir la ferme ("et surtout ma tronche, ça m'énerve" dixit l'intéressé un peu beaucoup surchargé). Tous les visiteurs adultes se faisaient donc copieusement insulter ("t'es vieille", "vous êtes divorcés?", "t'as trop mangé toi!") avant de se faire prendre en photo avec la star malpolie. Les enfants étaient mieux accueillis ("eux ils viennent pour les animaux") et étaient ravis d'entendre un adulte utiliser des gros mots, et surtout de faire un tour dans sa fameuse jeep centenaire.


Enfin nous nous mettons en route pour l'interview. Mon merci d'entrée est rejeté par un "ta pommade, après!". Il déteste par dessus tout qu'on le vante. Mais "mon travail est prioritaire" dit-il, et les coups de téléphone de ses anciens jeunes, qu'il suit toujours, s'enchaînent avec virulence. Un chien envahissant veut des caresses, il l'éloigne d'un "Dégage, toi!" tonitruant. Il interpelle les éducateurs. Donc, pas étonnant que lorsqu'il répond vraiment aux questions, ses réponses soient quelque peu désordonnées. Pas évident à gérer... Au milieu de l'interview, il se rend compte que le chien en question s'est fait peindre par les jeunes, et qu'il est en train de lécher la peinture. Il décide donc qu'il faut absolument aller le laver (et on est bien d'accord) et demande notre aide ainsi que celle de deux belges qui assistaient aussi à l'interview. Ses méthodes sont brusques (jeter le chien dans un ruisseau en pierre) et peu efficaces, on finit cependant par trouver la bonne technique et je me retrouve à masser le chien pendant que Bao lui jette des seaux d'eau dessus et que Guy Gilbert et l'autre belge le maintiennent en place! Nul besoin de dire que je fus complètement couverte de peinture (et mon pantalon en a gardé des traces)... mais c'est pour la bonne cause.


Puis l'interview reprend... J'essaie de tirer le plus d'informations possible en peu de temps. Car bientôt c'est l'heure de sa messe, à laquelle nous assistons. Une messe pour les jeunes prioritairement, et ouverte aux autres religions. Il partage un "pain de l'amitié" à ceux qui ne communient pas. Il bénit un bébé qui était là. Un temps de repos après l'orage... Suivie d'une petite visite aux animaux. Les grognements des sangliers sont particulièrement craquants ;-)


Eh oui, les animaux sont derrière des barreaux. A quand un château des sangliers? :-)


Au final, cela aura été une de nos interviews les plus difficile à gérer! On espère pouvoir en tirer quelque chose de potable pour le film... Croisons les doigts!


A lire:


"La magie des animaux. Aimons ces bêtes qui nous rendent humains", Guy Gilbert, ed. Philippe Rey, 2010.




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