L'art du bonsaï

L'art du bonsaï, typiquement japonais, révèle encore une fois leur rapport à la nature. Et pose des questions philosophiques intéressantes... Les photos ont été prises au musée du bonsaï Taikan à Obuse.

Qu'est-ce qu'un bonsaï?

Le terme bonsaï vient du japonais et signifie littéralement "un arbre planté dans un pot". Le but est de représenter, en miniature, un arbre ou même la nature en général. Les bonsaï ne sont pas faits à partir d'espèces d'arbres qui seraient naines. Au contraire, n'importe quelle espèce peut être utilisée. En restreignant les racines, en taillant, en ligaturant, la croissance de l'arbre est artificiellement limitée. Il s'agit au final d'une véritable oeuvre d'art, mais de l'art pratiqué sur un être vivant!

La présentation des bonsaï est également très importante

Mais comme nous sommes venus en hiver, la majorité des bonsaï étaient bien au chaud dans une serre...

Beauté de la nature?

Mais alors, lorsqu'un Japonais admire un bonsaï, admire-t-il la beauté de la nature, ou la beauté créée par l'homme?

A la fois, il admire la beauté de la nature, car le bonsaï est censé la représenter dans son essence.

Mais bien qu'on puisse trouver des arbres nains dans la nature (par exemple, un arbre poussant sur le rebord d'une falaise, exposé au vent, avec peu de nutriments et entouré de rochers), les bonsaïs sont une vraie création humaine à partir d'un matériau naturel! C'est une création extrêmement travaillée, dans les moindres détails, tout comme les jardins japonais. Rien n'est laissé au hasard: la texture du tronc, la mousse à son pied, la forme des branches, l'inclinaison de l'arbre, etc. Il s'agit donc au final d'une beauté créée par, ou réalisée grâce à l'homme...

A nouveau, on pourrait dire que les Japonais préfèrent parfois la copie à l'original!

Le pot est penché afin que l'arbre pousse de travers et puisse ressembler à un arbre courbé par le vent

Les bonsaï, de la torture?

La question peut prêter à sourire, mais il faut avouer que les méthodes utilisées pour créer un bonsaï peuvent être perçues comme brutales: des fils de fer viennent restreindre les branches, le tronc est ouvert au couteau pour lui donner un aspect vieilli, et j'en passe. Alors, les bonsaï, de la torture?

Bien sûr, l'arbre ne possédant pas de système nerveux, il ne peut ressentir de la douleur. Mais ce n'est pas pour autant un objet inerte: il s'agit d'un être vivant, autonome, qui possède une impulsion interne le poussant à grandir, à chercher la lumière, à étendre ses racines, etc. De plus en plus de recherches scientifiques révèlent des faits étonnants, comme par exemple que les arbres d'une forêt se "communiqueraient" certaines informations par leurs racines. Nous allons tenter d'explorer ce domaine lors de la suite de notre périple.

Ainsi, les promoteurs des droits de la nature pourraient argumenter en défaveur des bonsaï en disant que les arbres ont le droit de croître selon leur nature, sans entrave. (Mais le domaine des défenseurs des droits de la nature étant très vaste, certains pourraient également ne pas voir de problème dans les bonsaï.)

Les amateurs et promoteurs de la wilderness, d'autre part, seront probablement en désaccord avec l'art du bonsaï, lui préférant un arbre sauvage, intouché par l'homme, "libre" de toute entrave. S'ils s'émerveilleront devant la ténacité d'un arbre nain et sauvage ayant réussi à pousser sur de la roche, les bonsaï, bien que leur ressemblant physiquement, n'auront pas été forgés par cette même ténacité sauvage et seront alors vus comme un avatar de l'idée de l'homme dominateur de la nature.

D'autres diront que le bonsaï, au contraire, est l'expression d'un amour de son propriétaire pour l'arbre, et qu'il est choyé bien plus que torturé. Ils diront qu'au contraire, couper des arbres est bien plus "cruel".

Et vous, vous en pensez quoi?