Le bouddhisme et la nature
Inspirés par la figure marquante de Matthieu Ricard (qui est malheureusement trop connu pour être joignable… ce n’est pas faute d’avoir essayé !), nous nous sommes intéressés à la vision de la nature dans le bouddhisme ! Nous avons pu interviewer à ce sujet Marc-Henri Deroche, professeur spécialiste du bouddhisme à Kyodai, l’université réputée de Kyoto.
Le constat du bouddhisme : la souffrance est partout !
Selon le bouddhisme, la souffrance est le lot de notre monde ! La cause de la souffrance est le désir, celui d'acquérir les choses désirables tout comme celui de fuir les choses indésirables. Et le désir est alimenté par l'ignorance.
Selon Marc-Henry Deroche, ces mêmes vices pourraient être à la source de la crise environnementale ! En effet, la société occidentale contemporaine s'est coupée de la nature et ne la connaît plus vraiment. Cette ignorance alimente le désir de posséder les ressources naturelles (pour les exploiter) ainsi que celui d'écarter ce qui déplaît ("les forêts déplaisent car on désire leur terre, rasons donc les forêts"). Une meilleure connaissance de la nature permettrait de réaliser que ces désirs ne seront jamais assouvis et mènent inévitablement à la souffrance (épuisement des ressources, destruction des écosystèmes, etc.).
La réponse du bouddhisme : le chemin vers la sagesse
Heureusement, pour le bouddhisme, on peut accéder à la sagesse et s’éloigner de ces vices ! Qui se transforment alors en compréhension, en générosité et en bienveillance. La sagesse s’acquiert en 3 étapes : l’écoute d’un enseignement (du Bouddha), la réflexion par soi-même sur les liens de cet enseignement avec notre propre vie, et enfin la mise en pratique, qui consiste à changer ses habitudes, par les exercices corporels de la méditation par exemple. Le but de la pratique est d'incarner le changement que l'on souhaite voir dans le monde ; car l'opposition entre le soi et le monde n'est que factice, le monde ne peut être délivré de ses vices si l'on ne s'en est pas soi-même délivré.
C'est pourquoi la pratique personnelle ne signifie pas se désintéresser égoïstement du monde, mais bien d’œuvrer à la racine des maux du monde qui se trouve en chacun de nous.
Méditation et nature
La méditation est une pratique de la vigilance et de la pleine conscience. Elle nous aide à être plus lucides, mais également à maintenir une attention à nous-mêmes. Dans le bouddhisme zen, l’exercice est le suivant : s’asseoir avec le dos droit, puis calmer l’esprit et ses pensées en suivant uniquement sa respiration, en 3 moments (avoir cette intention, la garder à l’esprit et être pleinement conscient de la respiration). Il s’agit donc d’un exercice de maintien de l’attention et de l’intention ! Actuellement, les neurosciences ont montré l’intérêt de ces pratiques, pour réduire le stress notamment.
Mais en quoi ces pratiques peuvent-elles être liées à la nature ? Selon Marc-Henry Deroche, la meilleure façon de pratiquer la méditation est justement de le faire dans la nature ! La méditation nous aide en effet à nous reconnecter avec nos ressentis plutôt qu’avec le flux de nos pensées : quel meilleur environnement alors que la nature, où l’on peut ressentir la caresse du vent et entendre son souffle ? La seconde étape de la méditation, ou son effet, consiste en effet en une ouverture totale au monde, une attention accrue aux sensations. La méditation est comme une respiration en elle-même : elle comporte un moment d’inspiration, d’introspection, puis un moment d’expiration, de réceptivité à l’extérieur. Dans le bouddhisme, les dualités volent en éclat : comme dit précédemment, nous ne sommes pas séparés du monde, et s’harmoniser avec lui est le travail des moines. Il nous apprend également à être dans le moment présent, plutôt que dans l’après ou l’avant.
Statue au temple bouddhiste zen Ryoan ji
Végétariens, les bouddhistes ?
En principe, le bouddhisme prône le végétarisme selon son principe de bienveillance et de compassion envers tous les êtres vivants. Le bouddhiste, selon son principe de non-violence, s’opposera également certainement aux souffrances infligées aux animaux. De plus, la viande étant lourde à digérer, elle n’est pas idéale pour la méditation. Cependant, il semble que peu de bouddhistes japonais, ainsi que tibétains, soient végétariens en pratique.
Le Bouddha et ses disciples n’étaient pas eux-mêmes végétariens, pour une raison pratique : ils étaient mendiants et mangeaient donc ce qu’on leur donnait. Le Bouddha ordonna tout de même à ses disciples de ne pas accepter de viande issue d’un animal qui aurait été tué exclusivement pour nourrir les moines. Ce principe peut s'avérer ambigu en pratique : lorsque l'on achète de la viande au supermarché ou au restaurant, peut-on dire que l’animal a été tué pour nous nourrir, nous, personnellement ?
Les bouddhistes sont également pragmatiques : si, pour des raisons de santé, les moines doivent manger de la viande, ils le feront. C’est d’ailleurs le cas du Dalaï Lama, qui, bien que prônant le végétarisme, mange tout de même un peu de viande pour des raisons médicales. En pratique, les bouddhistes ne sont donc pas tous végétariens.
Exemple de shojin ryori, la cuisine végétarienne traditionnelle des temples bouddhistes au Japon. Outre l'exclusion de la viande, ils ne mangeaient pas non plus de légumes racines comme l'oignon ou le poireau, car ce serait alors tuer la plante entière!