Le Fitz Roy : le bouquet final
Deux jours de plus que prévu auprès du Fitz Roy !
En effet, il y a deux jours, nous avions prévu de quitter le village d’El Chaltén, point de départ vers le majestueux Fitz Roy, pour remonter vers Bariloche. Mais les bus étaient complets et le prochain bus n’allait partir que deux jours plus tard… Petit changement de plan, donc, et je me réjouis intérieurement de pouvoir admirer encore le Fitz Roy que l’on pourrait contempler une vie durant…
Ceci nous donne l’occasion d’aller jeter un œil à un point de vue modeste, appelé Mirador de Los Cóndores, accessible en à peine 30 minutes de marche. Il nous amène à un plateau d’où l’on peut avoir une vue panoramique sur le village d’El Chaltén et les montagnes environnantes. Nous y allons d’abord en matinée afin de repérer les lieux. Le vent est décoiffant et les nuages se déchaînent.
Sur cette image, on voit le pic du Fitz Roy qui domine la région. À sa gauche, un gros nuage lenticulaire semble s’enrouler autour d’une montagne… Il s’agit bien sûr du Cerro Torre, l’éternel timide ! Un ranger de la région nous a confié l’avoir vu une fois seulement en trois semaines… Les mystères étant toujours attirants, je me formule une mission secrète : un jour futur, il faudra que je réussisse une belle photo du Torre.
Nous revenons ensuite au même endroit après 20h, afin de voir ce que devient la scène à l’approche du crépuscule. Des nuages semblent empêcher la lumière d’atteindre les pics…
(Bao à droite dans sa doudoune...)
Mais en vérité, l’observateur patient aura remarqué que le soleil vient caresser fugacement les parois…
Le lendemain matin, je me réveille à 4h45. Pourquoi ? À cause, encore une fois, d’un espoir fantasmatique : celui de voir la lumière de l’aube (le red flash) illuminer le Fitz Roy. Nous avions rêvé du red flash en randonnant jusqu’au pied de la montagne la semaine dernière, mais n’avions rien pu voir à cause d’un ciel trop couvert. Cette fois-ci, la météo de la veille prévoyait un ciel relativement dégagé, le phénomène était donc possible.
En me levant, je jette un œil hors de la tente : il fait noir et un gros banc de nuages recouvre entièrement le Fitz Roy : aïe, cela s’annonce mal. Mais en regardant du côté du futur soleil levant, je constate que le ciel est plutôt clair. Il y a des chances que la lumière vienne frapper directement les nuages autour du Fitz Roy et, qui sait ?, les chasser quelque peu pour révéler ce dernier.
Vers 6h, je suis en position : assis derrière un gros rocher pour être protégé du vent redoutable, mon appareil sur trépied, une banane en main. Au fil des minutes, je vois effectivement le Fitz Roy émerger de la brume, l’espoir renaît. Je réalise ensuite que la lumière a considérablement augmenté au niveau des cimes, pourtant toujours pas de red flash… Peut-être est-il déjà trop tard et qu’il n’y a pas eu de red flash à cause d’un ciel trop couvert à l’horizon est ?
Et soudain, le nuage lenticulaire au-dessus du Fitz Roy s’enflamme.
Il y aura un red flash ! Je vois la bande de lumière rouge-orange descendre au fil des secondes en direction du Seigneur… jusqu’au moment fatidique.
Le red flash est un phénomène photographié d’innombrables fois, que tout amateur de Patagonie a déjà vu sur une image. Mais rien au monde n’a l’impact de l’expérience vécue sur place dans sa chair, tous les sens en éveil.
Ce matin-ci est particulier car j’observe le red flash depuis un point de vue relativement éloigné (contrairement au point de vue « standard » qui est au bord d’une lagune quasi au pied du Fitz Roy). Grâce à cela, j’ai la chance de voir ce protagoniste majeur qu’est le nuage lenticulaire, que des gens au pied de la montagne ne verraient que de façon assez déformée. Je remercie le destin de m’avoir montré la couronne du Seigneur…
Le phénomène ne dure que quelques minutes. La lumière gagne en intensité et vire vers le blanc chaud. Le ciel s’éclaircit et le jour s’installe définitivement.
(Panoramique de 3 photos)
Ceci marque la fin de ma rencontre avec le Fitz Roy. Et pour rétablir la justice, sachons que le premier nom que lui ont donné le peuple indigène Tehuelche vivant dans la région, avant l’arrivée des Européens, était : Chaltén o Chaltel, qui signifie littéralement « montagne fumante » ou « volcan ». En effet, la cime semble souvent « émettre » de la fumée...
Je quitte la région avec l’impression que la montagne me fait un clin d’œil…
... Appendice...
Nous venions à peine de sortir du bar où nous écrivions cet article, lorsqu'un coup d’œil furtif vers l'horizon nous plonge soudain dans l'excitation: le Cerro Torre est sorti des nuages!! Le malin a choisi le mauvais moment, puisque notre bus démarre dans deux heures à peine. Mus par la promesse, nous faisons nos valises en un temps trois mouvements, allons les stocker à la gare des bus, puis partons, déterminés, vers le mirador!
Et il est bien là, nous narguant de son sommet enfumé...
Comme s'il attendait qu'on ait pu le voir avant de se rendormir, quelques minutes plus tard le voilà à nouveau dans son cocon de nuages... Ce qui ne nous empêche pas de profiter une dernière fois du paysage environnant, comme cette étrange colline à l'opposé de la scène précédente...
Bao, pour sa part, en profite pour vagabonder hors sentiers. Le suivant de loin, je remarque que sa silhouette se détache sur le Fitz Roy! Nous communiquons par cris et gestes afin de réaliser un ultime portrait-paysage devant le Seigneur des lieux. Les passants intrigués s'arrêtent à ma hauteur, se demandant "Mais comment est-il arrivé jusque là?" Eh bien, en marchant ;-)
Et pour clôturer cette appendice en beauté, Bao vous a concocté (après de longues heures de travail ;-)) un cinémagraphe, soit une photo animée (mais seulement en partie!) du précédent coucher de soleil sur le Fitz Roy... (Si rien ne bouge, c'est que la séquence n'a pas encore chargé!)
