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Deux interviews manquées

Il y a toujours des imprévus lors d'un tour du monde... Au Brésil, deux de nos interviews (sur trois confirmées !) ont malheureusement dû être annulées.



Ernst Götsch et l'agriculture syntropique


Ernst Götsch, d'origine suisse, est un précurseur au Brésil d'une agriculture désormais appelée "syntropique". En 1984, il a acheté une terre entièrement déforestée et s'est donné le projet de la transformer en forêt tropicale tout en y pratiquant une culture de production. Il s'agirait donc d'une forme d'agriculture qui, au lieu de viser à minimiser les dégâts causés à l'environnement, cherche au contraire à accroître la santé de cet environnement. Dans le cas de Götsch, son agriculture a tellement bien régénéré la forêt environnante que même le climat local a été influencé (plus de pluies, température plus fraîche) !


Nous nous réjouissions de pouvoir le rencontrer, à la base, chez lui auprès de la forêt qu'il a régénérée. Ce ne fut pas possible et un rendez-vous fut pris avec lui dans une autre ferme où est pratiquée son agriculture syntropique. Malheureusement, quelques jours avant le rendez-vous, les agents de Götsch (car nous n'avons jamais réussi à le contacter personnellement, nous avons toujours dû nous adresser à des agents intermédiaires) ont annulé l'interview parce que Götsch était trop occupé. Apparemment, sa popularité est grandissante et il commence à "monter en influence" dans la sphère brésilienne... Sommes-nous des interlocuteurs de faible importance à ses yeux ? Ou bien les agents intermédiaires n'ont-ils pas vraiment prévenu Götsch de notre venue effective ? Nous ne le saurons jamais...




Oberom et le régime alimentaire... sans aliments


En préparant le voyage, on nous a également proposé de rencontrer Oberom, une personne relativement connue au Brésil dans le milieu végan. Son activité principale est la promotion du véganisme et du yoga et il voyage énormément (notamment en Inde) pour se former et approfondir ces pratiques.


Il défend également un autre régime alimentaire, encore plus strict que le véganisme : il s'agit du "respirianisme" (breatharianism en anglais). Le régime respirien est très simple, mais repose sur un cadre de pensée particulièrement fourni. Voici une brève description.


Le respirianisme considère que l'être humain est capable de vivre sans manger ni boire. Oui, c'est étonnant ! Cet exploit serait possible à condition de réaliser que l'univers est imprégné d'une énergie cosmique, appelée le prâna, qui serait à la fois la lumière et le souffle de vie. On pourrait alors former son corps afin de le rendre capable de se nourrir exclusivement de prâna (de lumière, donc). Un processus de 21 jours permettrait, en principe, d'enclencher cette capacité latente en chacun de nous. Ce processus commence par 1 semaine de privation totale d'aliments (solides et liquides), puis deux semaines où l'on peut boire de l'eau. Une série d'activités sont à réaliser durant cette période de 21 jours (méditation, siestes, ...).


Vivre avec la réalité du prâna, c'est aussi s'élever spirituellement et atteindre un état harmonieux de connexion avec le Tout. Bref, c'est une sorte de Nirvana.

Jasmuheen, la femme qui a popularisé le respirianisme...


Notre première réaction fut un rejet vigoureux : en effet, cette doctrine nous paraît fumeuse et dangereuse si elle est prise à la lettre. En tant que philosophes, nous avons analysé les théories et discours respirianistes et y avons trouvé de nombreuses raisons de croire en leur fausseté. Cependant, nous sommes bien dans le domaine des pratiques concrètes où le discours rationnel ou scientifique a des limites. La réaction standard est : "il faut le vivre personnellement pour voir que c'est vrai".


Nous avons donc réfléchi et avons fait l'effort de mettre nos préjugés de côté. Que la doctrine soit fumeuse ou pas, elle implique des pratiques vécues concrètement par de nombreuses personnes dans le monde. C'est à cette réalité vécue que nous avions décidé de nous intéresser. De plus, nous reconnaissons entièrement les bienfaits (étonnants) du jeûne de durée limitée et de la méditation sur la santé.


Nous avons donc accepté de rencontrer Oberom afin de mener auprès de lui une enquête sociologique et philosophique. Notre objectif a été de mettre temporairement de côté la question de la vérité de sa doctrine, pour nous intéresser aux modalités de sa pratique, aux motivations des pratiquants.


D'un point de vue philosophique, le régime respirien est très curieux. En effet, de nombreux arguments affirment que manger de la viande est irrespectueux de la nature. Mais les légumes font partie de la nature : se pourrait-il que les manger soit également irrespectueux ? L'attitude ultimement cohérente n'est-elle pas d'essayer de tuer le moins d'organismes possibles, qu'ils soient animaux ou végétaux ? Le respirianisme apparaît ainsi comme l'étape suivante après le véganisme, où l'être humain renonce intégralement à tuer pour se nourrir. Quel rapport à la nature découle de telles convictions ? C'est ce que nous voulions explorer en acceptant de rencontrer Oberom.


Le rendez-vous fut pris via un agent d'Oberom. Encore une fois, nous n'avons jamais pu lui parler directement et il semble qu'au Brésil, beaucoup de "personnalités" ou de personnes à haute responsabilité ne soient accessibles que via des intermédiaires. Après l'échec du rendez-vous avec Ernst Götsch ci-dessus, nous avons redoublé de prudence : avant de partir pour le lieu du rendez-vous (ce qui implique la location d'une voiture et 6h de route à l'aller avec péages, le double en comptant le retour), nous avons essayé d'obtenir une confirmation que le rendez-vous était bien fixé. On nous a dit que si l'agent nous a donné ce rendez-vous, c'est qu'on pouvait s'y fier. On a accepté et on a fait le trajet (laborieux...). La rencontre prévue est censée durer une soirée et une matinée.


Arrivés sur place vers 18h, la maman d'Oberom nous informe qu'il n'est pas encore arrivé. Nous avions prévu de rencontrer Oberom et sa communauté, passer une nuit sur place (un chouette endroit dans un beau cadre naturel) et mener l'interview le lendemain ainsi que tourner divers plans vidéos additionnels. Oberom étant absent le soir même, nous nous sommes occupés en assistant à une réunion de pratiquants du jeûne de 21 jours. Le lieu est en fait un centre d'accompagnement pour ce processus, que la maman gère activement. Le moment fut très intéressant à observer, et nous remercions les personnes d'avoir accepté notre présence. Nous allons ensuite dormir en espérant qu'Oberom arrivera durant la nuit et sera présent le lendemain... Nous dormons à la belle étoile dans une petite maison de "hippies" et pouvons assister à un lever du soleil célébré avec clameur par les oiseaux...


Prise par Pascale

Au réveil, Oberom était toujours absent. Sa maman nous dit qu'il a manqué un bus et qu'il arrivera le soir même... ce qui est trop tard pour nous (on devait rendre notre voiture louée) et en dehors de la période de rendez-vous fixée. Et, de toute façon, la qualité de l'interview aurait été médiocre en soirée.


Désespérés, nous proposons alors d'interviewer la maman d'Oberom, car en réalité, elle et son fils sont un peu des "leaders" de leur mouvement au Brésil. Elle accepte et nous donne rendez-vous à 13h (nous devions partir au plus tard à 15h). Nous avons accepté et avons patienté. À 13h, nous étions dans la salle d'attente, avec caméras, trépieds et micros. Une personne vient nous dire que la maman est toujours occupée et qu'elle arrivera bientôt. Nous patientons... et jouons avec une adorable famille de chiens (dont 3 chiots irrésistibles). À 14h, toujours aucune nouvelle...


Dépités, nous décidons de quitter les lieux après avoir laissé un message d'au revoir. Nous ne retiendrons de cet épisode qu'une chose : les chiens étaient vraiment adorables !

Prise par Bao

Prise par Pascale


Épilogue à propos du respirianisme


Au sein même de la communauté respirianiste, il semble que l'écrasante majorité des gens ne pratiquent que des jeûnes de durée limitée, tout en croyant que le jeûne permanent est, en principe, possible. L'idée est qu'il faut déjà atteindre un état supérieur d'élévation spirituelle pour pouvoir se passer totalement d'aliments que personne (en pratique) ne prétend avoir atteint.


Internet regorge de critiques et de mises en garde contre le respirianisme. Mais malgré cela, l'engouement idéologique pour le respirianisme reste fort; cela prouve que chez les pratiquants, la vérité scientifique de cette doctrine est la dernière des préoccupations... Malheureusement, nous n'avons pas réussi à explorer les autres motivations possibles.


De notre côté, nous déconseillons fortement d'essayer de se priver de nourriture de façon permanente. Des personnes sont mortes en tentant de suivre à la lettre la doctrine respirianiste. Le jeûne lucide et contrôlé, de durée limitée, a des effets potentiellement bénéfiques à condition de l'adapter finement à la physiologie, toujours unique, de tout un chacun.


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