Interviews dans la tempête costaricienne
On n'a pas de chance ! Pour survivre à l'ouragan Otto, qui a frappé les Caraïbes la semaine dernière, nous avons été obligés d'annuler nos plans au Costa Rica pour nous réfugier à San José, la capitale. Le jour du passage de l'ouragan, nous étions donc chez notre amie Marie à attendre les pluies torrentielles et les vents à décorner les bœufs... Résultat ? Voici la carte des dégâts causés dans le pays :
San José, où nous étions, se trouve dans l'unique zone blanche au milieu, où il n'y a eu ni vent, ni pluie ! Par contre, les dégâts furent importants tout autour... Les lieux que nous avions prévus de visiter pour le projet sont dans les zones noires (aislados = isolées), et avant l'ouragan nous étions dans la zone bordeaux. On l'a échappé belle !
Mais du coup, nous avons perdu de nombreux jours et avons dû changer nos plans. À San José, nous avons quand même pu interviewer des personnes s'occupant de la protection de tortues ainsi qu'une chercheuse travaillant sur la gestion de l'eau au Costa Rica et sur l'adaptation au changement climatique (prochainement sur le blog !). Une semaine après l'ouragan, nous sommes allés à Tirimbina, un lodge d'écotourisme dans le nord.
Tirimbina
Tirimbina est un projet de conservation de forêt tropicale, de recherche scientifique et d'éducation à la protection de l'environnement, financé essentiellement par l'écotourisme, et également par les PSA, paiements pour services environnementaux, que nous vous présenterons prochainement. Un lieu idéal pour y mener nos enquêtes...
Sur l'image, la forêt en question se trouve à droite de la rivière. Au programme : oiseaux, mammifères, reptiles et moustiques à profusion !
Et patatra ! Le jour de notre arrivée, un arbre tombe sur l'unique pont qui donne accès à la forêt tropicale, nous en condamnant l'accès...
Cependant, grâce aux guides et chercheurs sur place, nous avons passé un très bon séjour. On a pu faire en tout quatre interviews, visiter un projet de sentier éducatif, participer à un tour sur les chauve-souris et se promener dans une forêt secondaire en régénération à proximité du lieu. Quasi pas de photos, mais beaucoup de matière pour le projet !
Juan Manuel Ley, qui nous a accueillis et a tout fait pour que notre passage à Tirimbina soit productif malgré l'incident du pont, nous a accordé une interview afin de nous expliquer le fonctionnement et les missions de Tirimbina, ainsi que son financement.
Le tour sur les chauves-souris
Le premier soir, nous avons assisté au "tour" éducatif sur les chauve-souris, animé par Sergio, qui nous a plus tard accordé une interview sur le sujet.
Sergio Padilla Alvarez est biologiste et partage son temps entre ses études, la recherche et l'éducation à Tirimbina.
Nous y avons appris qu'il existe plusieurs sortes de chauve-souris: certaines se nourrissent d'insectes, d'autres de nectar, de fruits, de poissons, de sang, etc. Chacune joue un rôle important dans les écosystèmes locaux: par exemple, les chauve-souris qui se nourrissent de nectar favorisent la pollinisation de fleurs (elles possèdent une longue langue un peu comme les colibris!), les frugivores permettent aux arbres de pousser dans des espaces vierges (car les graines se retrouvent dans leurs déjections), celles qui se nourrissent de moustiques permettent de limiter leur population (elles en mangent vraiment beaucoup, merci les chauve-souris!!), et des chercheurs ont même trouvé un anti-coagulant intéressant dans la salive des chauve-souris vampires, qui pourrait être utile en médecine!
Après cette entrée en matière, nous avons pu admirer trois chauve-souris, capturées le soir-même par un des chercheurs du centre. La capture se fait en douceur, dans un filet, et les chauve-souris ne sont gardées que peu de temps (le temps des mesures scientifiques, qui peuvent être très diverses) avant d'être relâchées. Des chercheurs du monde entier viennent étudier les chauve-souris à Tirimbina, qui concentre plusieurs espèces dans sa réserve.
Ces chauve-souris sont toutes petites, mais certaines espèces sont énormes!
Le lendemain, nous avons pu rencontrer Priscilla, une chercheuse costaricienne faisant un doctorat en Allemagne sur l'impact des plantations de bananiers sur l'alimentation des chauve-souris nectarivores au Costa Rica, et l'impact du caractère bio ou non bio de ces plantations. Elle fait régulièrement ses recherches à Tirimbina. Nous avons également pu l'interviewer sur ces petites bêtes qui la passionnent depuis 10 ans!
Priscilla Alpizar Alpizar, chercheuse sur les chauve-souris
Balade dans une forêt en régénération
Le matin, faute de pouvoir nous balader dans la réserve devenue inaccessible, Juan Manuel nous propose d'accompagner trois chercheurs lors d'une balade de repérage dans une forêt en régénération non loin de là. Il s'agit d'un ancien jardin rendu à l'état "sauvage". Nous accompagnons donc Jose, biologiste et chercheur depuis peu à Tirimbina, Mariela, biologiste et "éducatrice" pour enfants à Tirimbina, et David, biologiste et chercheur hollandais venu sur les lieux pour y faire une recherche sur les batraciens. Ils voient ce que nous ne voyons pas, s'arrêtent pour chercher des "tentes" de chauve-souris (des feuilles qu'elles ont coupées pour en faire leur maison), nous dévoilent un arbre à fourmis dont le venin est si puissant qu'une piqûre peut amener de graves complications de santé...
Un pic à ailes rousses (piculus simplex)
La célèbre grenouille "blue jeans"... (oophaga pumilio). Attention, elles sont venimeuses et servaient autrefois à empoisonner les flèches utilisées par les peuples natifs... Pour info, ces grenouilles ne produisent pas leur poison mais le prélèvent dans les fourmis (venimeuses !) dont elles se nourrissent. Fascinant !
Un trogon rosalba (trogon collaris)
Leur passion et leur expertise nous ayant séduits, nous décidons d'interviewer Jose et Mariela après notre balade, en leur demandant pourquoi selon eux il est intéressant de protéger la biodiversité costaricienne. Nous les interrogeons également sur l'importance de conserver particulièrement les espèces natives et sur le danger que peuvent apporter les espèces invasives. Un peu plus tôt dans la matinée, Mariela nous avait en effet présenté un futur tour éducatif de Tirimbina, destiné aux familles locales, lors duquel la question des espèces invasives avait été abordée. Elle nous avait également montré comment les espèces natives attiraient foule de biodiversité: oiseaux, papillons, insectes, etc. A la fin du tour, ils prévoient de donner gratuitement aux locaux des plants d'espèces locales attirant les oiseaux. En effet, les locaux ont tendance à privilégier les espèces non locales, simplement parce que l'exotique attire et que le local paraît banal!
Jose Ramirez Fernandez et Mariela Garcia Sanchez
Une chose est sûre: Tirimbina est un lieu foisonnant d'idées, d'actions et de biodiversité! Un tout grand merci à Juan Manuel, Sergio, Priscilla, Jose et Mariela pour leur accueil, les interviews et leur chaleur!