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Protéger la nature : devoir ou désir ?

On reproche souvent aux discours écologistes d'être moralisateurs. Il y a la figure caricaturale de l'écolo militant qui passe ses journées à rappeler aux gens que la catastrophe planétaire est imminente, qu'ils ont une responsabilité en tant que consommateurs et qu'ils doivent sans attendre renoncer à tout comportement polluant. L'écologisme se trouve donc taxé d'adjectifs peu séduisants : il serait catastrophiste, culpabilisant voire fasciste. En conséquence, certaines personnes développent une aversion pour l'écologisme, cessent d'en tenir compte dans leur vie voire se mettent à réfuter les arguments écologistes (climatoscepticisme, anti-végétarianisme, promotion des énergies fossile ou nucléaire, critique du bio, etc.). Un écologisme culpabilisant se crée donc des ennemis, ce qui entrave la cause qu'il défend.


Est-il possible d'être écolo sans être culpabilisant ?



L'écologisme et la morale du devoir


Historiquement, les premiers arguments écologistes étaient effectivement basés sur un constat catastrophiste : le maintien de notre mode de vie moderne provoquera une catastrophe environnementale. Afin d'assurer la survie de l'humanité dans de bonnes conditions, nous aurions donc le devoir moral de changer de mode de vie.


Dans ce contexte, la survie de l'humanité est un principe considéré comme absolu. En philosophie, agir au nom principes absolus (tels que la survie de l'humanité, la liberté, la justice, etc.), c'est adopter une morale du devoir. Les devoirs moraux ne sont pas accomplis pour le plaisir, mais bien par respect de ces principes. Parmi les devoirs moraux classiques figurent ceux qui découlent de la Déclaration universelle des droits de l'homme : respect de la vie, de la liberté d'expression, etc.


Autre exemple : le végétarisme ou le véganisme reposent en grande partie sur de nouveaux principes déclarés comme absolus tels que la condamnation de la souffrance ou le droit de vie des animaux. Devenir végétarien ou végan au nom de ces principes, c'est agir par devoir moral et non par plaisir; certains végétariens aiment toujours des plats de viande mais choisissent d'y renoncer.



Vertus et difficultés d'une morale du devoir


Agir par devoir nous rappelle constamment les principes absolus que l'on défend. Beaucoup de ces principes résultent d'un progrès obtenu suite à de nombreux combats. Les droits de l'homme, par exemple, prennent racine dans la promotion de la démocratie et de l'égalité entre tous les individus indépendamment de leurs origines ou croyances. De tels principes ont une valeur immense et contribuent à réguler l'évolution de la société.


Mais il n'est pas toujours facile d'agir par devoir. Les débats à ce sujet sont nombreux, voici quelques éléments.


Agir par devoir, c'est agir par principe, sans tenir compte des résultats de l'action. Lorsque l'on protège une vie humaine par devoir, peu importe les conséquences : l'essentiel est la préservation de la vie, au nom du droit à la vie. Dans le contexte écologique, toutefois, les choses peuvent se compliquer. En effet, le constat de base de l'écologisme est que la société actuelle détruit la nature. Il faut donc agir pour préserver la nature (et l'humanité). Même si une telle action peut être défendue au nom d'un principe, la survie de l'humanité, on aimerait bien que nos efforts servent concrètement à quelque chose quand-même ! Arrive alors une première difficulté :

Si je suis le seul à faire des efforts pendant que les autres polluent toujours, alors mon action ne sert à rien !

Cette pensée peut décourager, quand on voit que malgré toutes les campagnes écologistes, il reste tant de problèmes à régler. Une porte de sortie pourrait être l'idée suivante :

Si je renonce à agir et que tout le monde faisait comme moi, aucun changement ne serait possible !

Mais malgré cela, certains n'ont quand-même pas la volonté d'agir et peuvent parfois s'auto-culpabiliser. D'autres peuvent agir malgré qu'ils ne croient pas en un avenir meilleur ("pour avoir bonne conscience", comme on dit). S'auto-culpabiliser ou agir seulement pour sa bonne conscience... des perspectives qui ne sont pas attirantes pour tout le monde.


Une autre difficulté de la morale écologiste réside dans l'idée répandue suivante :

Être écolo, c'est mener une vie de modération et de renoncement, une vie ascétique et austère.

Bien sûr, tout le monde ne partage pas cette idée ! Mais de nombreuses personnes ont grandi dans la société moderne et ont développé un goût pour des choses qu'aujourd'hui, nous condamnons au nom de la planète. La bonne gastronomie (avec viande ou fromage), les voyages (polluants à cause des avions), le confort technologique (toilettes qui gaspillent l'eau potable, smartphones, voitures, ...), et toutes sortes d'activités plaisantes mais, malheureusement, polluantes. Une vie de rigueur morale sans tous ces plaisirs serait malheureuse ! Que vaut la bonne conscience si la vie est morne ?


Il n'est donc pas toujours facile d'embrasser un mode de vie écologique exclusivement par devoir moral. Plus on apprécie ce qu'offre la société actuelle, plus cela peut être difficile d'y renoncer. Même si l'on approuve tous les arguments de l'écologisme, tout le monde n'est pas un superman capable de tout sacrifier au nom de grands principes.


Certains écolos, voyant le manque de volonté de la population, seraient tentés de dire :

On ne peut pas compter sur la bonne volonté des gens, il faut donc leur imposer un mode de vie durable parce que le sort de la planète en dépend !

Imposer un mode de vie durable à la population donnerait probablement de bons résultats concrets... mais ceci va à l'encontre de la liberté, toute moderne, de choisir le mode de vie que l'on désire. Le débat est ouvert...



Protéger la nature par... plaisir ?


Depuis plusieurs années, au sein des mouvements écologistes, on assiste à une prise de conscience progressive des difficultés soulevées dans le paragraphe précédent. Beaucoup d'écolos condamnent eux-mêmes la culpabilisation. De plus en plus d'initiatives s'emploient à créer de nouveaux modes de vie, respectueux de la nature et plaisants, et montrent que préserver la planète n'implique pas de renoncer à une vie de plaisirs.


Le domaine qui évolue le plus vite est peut-être celui de la gastronomie végétarienne, qui se gonfle aujourd'hui de recettes, d'expérimentations et de restaurants qui attirent par l'énergie positive qu'ils dégagent. Tout le monde n'est pas convaincu, certes, mais la culture végétarienne se diversifie, ce qui est une bonne chose.


Toute cette mouvance relativement récente pointe en direction d'une autre façon d'organiser sa vie. Par opposition à la morale du devoir figure ce qu'on pourrait appeler une morale utopiste. Celle-ci nous amène à organiser nos vies et à agir non pas pour empêcher une catastrophe de se produire, mais pour contribuer à la réalisation d'un monde meilleur (une utopie) auquel on aspire.


Un écologisme utopiste reconnaîtrait toujours l'urgence objective de la crise environnementale, mais l'évitement de la catastrophe ne serait plus son argument central. Plutôt, il mettrait en avant le bonheur auquel on aurait accès dans un monde durable afin que nous puissions nous mobiliser pour le concrétiser. Il réaliserait que la société actuelle, malgré tous ses défauts, offre de bonnes choses et s'emploierait à faire évoluer ces choses pour les rendre durables, au lieu de prôner leur abandon.


Si elles procèdent conjointement, les morales du devoir et utopiste ont peut-être des chances de toucher une population plus large et d'enclencher le basculement sociétal souhaité. Il ne reste qu'à espérer... et à agir !

Après avoir partagé quelques moments de la vie de ce petit capucin, beaucoup réalisent qu'il faut les protéger... parce qu'ils sont géniaux ! (Et aussi par devoir envers la biodiversité, bien sûr...)

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