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La nature des grands parcs nationaux américains

Demain, nous nous envolons pour le Costa Rica après avoir séjourné trois mois aux USA. Que nous a apporté notre périple dans ce pays ? Quelle relation avons-nous observée entre les gens et la nature ? Voici nos réflexions après avoir visité quelques-uns des grands parcs nationaux (Yellowstone, Yosemite, Grand Canyon, Bryce Canyon, Capitol Reef, Arches et Canyonlands). Les réflexions qui suivent ne se prétendent pas générales et absolues, elles ne sont que le résultats de nos impressions suite à notre parcours spécifique.

L'idéologie de la nature sauvage vide de toute trace humaine (wilderness) et le "touriste spectateur"

Dans les parcs nationaux, l'idéal de la wilderness est très présent. On trouve partout des panneaux nous priant de ne pas toucher à la nature car celle-ci est fragile et précieuse. Résultat : on finit par intégrer inconsciemment l'idée que l'humain n'a pas sa place dans la nature pure et qu'il ne peut que la survoler furtivement.


L'expérience d'une écrasante majorité de visiteurs se réduit donc à conduire sur les quelques routes principales, s'arrêter aux points de vue bien mis en évidence à l'aide de panneaux d'informations, prendre des photos de la scène présentée puis repartir vers le point de vue suivant. Les grands parcs sont envahis durant les congés et les week-ends (jusqu'à la fin de l'automne) et la durée d'une visite ne couvre souvent pas plus de deux nuits. Beaucoup de visiteurs se contentent de traverser le parc en une journée.


Si l'on ne peut pas vraiment toucher à la nature, il ne reste qu'à la regarder... ce dont on se lasse vite.

Le traffic sur une route au Yellowstone, en septembre. Une grande partie du parc ferme vers mi-septembre pour l'hiver, donc on est bien en basse saison ici.

Le challenge physique et le "touriste randonneur"

Parmi les visiteurs qui ne se contentent pas de traverser un parc en voiture, figurent en grande majorité les amateurs de randonnées (hikes). L'horizon ultime de ce mode de visite est la randonnée difficile qui nous amène au milieu de la wilderness, à faire sur plusieurs jours en passant la nuit dans des camps reculés. Des permis sont nécessaires pour séjourner dans ces camps, et sont soumis à un quota. Il y a donc l'idée que plus le sentier est difficile, plus l'expérience est pure.


Il y a certainement du vrai là-dedans : sur un sentier difficile, notre corps entre beaucoup plus en contact avec le relief du lieu et son climat. De plus, ces sentiers sont (un peu) moins fréquentés et l'on bénéficie de plus de moments furtifs de solitude dans la nature. Néanmoins, les randonnées sont souvent très cadrées : il y a des étapes précises, des destinations précises, et un timing précis recommandé. En fait, on n'a pas vraiment le temps de s'arrêter sur le chemin, sauf aux points d'arrêts prévus. La déambulation libre dans la nature, avec l'attention tournée à chaque instant vers l'environnement entier et la contemplation profonde de celui-ci ne sont pas des choses si faciles à obtenir.


Il en résulte qu'un profil répandu pour le touriste randonneur est le profil du sportif. La randonnée est une activité physique, offrant un challenge personnel à relever. Souvent, la récompense est la satisfaction d'atteindre un point de vue reculé, inaccessible à la majorité des visiteurs. L'immortalisation de ce moment de conquête s'impose par la prise d'un selfie montrant un sommet de montagne et, au-dessus, la silhouette du randonneur l'ayant vaincue. Humilité et respect profond pour la nature, ou bien performance et victoire personnelles (aussi respectables soient-elles) ? Parfois, on est loin des valeurs spirituelles vantées par Thoreau, l'initiateur de l'idéologie de la wilderness.

(Photo trouvée sur Google.)

Bien sûr, la randonnée sportive n'est pas une mauvaise chose (au contraire). Mais elle ne devrait pas être la seule alternative idéale à la visite rapide en voiture. Un peu de slow tourism serait le bienvenu.



La nature sauvage comme lieu de récréation... en attendant de retourner au boulot


Pour Thoreau, le contact avec la nature sauvage avait le pouvoir de changer nos vies. Aux USA, dans la majorité des cas, les parcs nationaux servent de terrain de divertissement le temps d'un congé ou d'un week-end, avant de retourner dans la "vraie" vie de travail que l'on ne remet pas en cause. Ce pays, qui a vu naître les idées fortes de désobéissance civile et de liberté individuelle, est en même temps un pays où tout entretient un conformisme ambiant. Comment une nation qui a chanté les vertus de la nature sauvage et les droits des animaux, peut-elle héberger des modes de vie aussi polluants (c'est LE pays de la voiture) ? Comment peut-elle engendrer des candidats présidentiels tels que Donald Trump (qui bafoue même des droits humains) ?


Nous avons remarqué que beaucoup de visiteurs font les mêmes choses dans les parcs : ils s'arrêtent aux mêmes points de vue, prennent les mêmes photos, se fient aux mêmes conseils et suggestions donnés par les rangers. Inévitablement, nous avons aussi été aspirés par ce mouvement. Il y a un conformisme ambiant phénoménal, et lutter contre est difficile.

L'extraordinaire nature américaine... malgré tout

Parce que oui, dans ce pays, on trouve une nature dont la grandeur et la puissance sont absolument renversantes. Cette nature brille également par sa finesse et sa subtilité, mais l'esprit touristique ambiant, tourné vers les attractions naturelles exotiques et gigantesques, ne nous aide pas à le voir (même si les animations proposées par les rangers des parcs nationaux sont très chouettes). Il y a comme un culte du "blockbuster" naturel, par analogie avec les grosses productions cinématographiques américaines.


Il est possible de vivre des expériences authentiques, intenses et personnelles dans les grands parcs américains. Mais cela demande de faire l'effort de se détacher de ce que le système touristique nous propose par défaut. Lorsqu'on y arrive, le beau et le sublime nous frappent et nous marquent profondément.

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