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La nature islandaise, paysage et géodiversité

À la veille de notre départ de l'Islande (snif, le temps passe si vite !), je vous propose ici un petit rapport sur la spécificité de la nature islandaise. Il ne s'agit ici que de quelques réflexions sommaires, mais qui tracent des directions de recherche que nous allons garder en tête dans la suite de notre projet.



Quelle est la spécificité de la nature en Islande ?


En arrivant en Islande, on est d'abord frappé par la quantité incroyable de montagnes, fjords, rochers, péninsules, volcans, cratères, geysers, champs de lave, vallées sinueuses, et tant d'autres choses fascinantes. Puis l'on remarque vite que ces terres sont habitées par un nombre relativement faible d'espèces animales. (Peut-être est-ce également le cas des espèces végétales ? Je ne saurais le dire.) Le roi des animaux, ici, c'est le mouton !


L'Islande est donc un pays qui nous rappelle que la planète héberge au moins deux "couches". Il y a bien sûr la couche du vivant ou biosphère, que nous connaissons bien. Mais il y a aussi la couche du non-vivant, que j'appellerais ici la géosphère (attention, les acceptions varient beaucoup sur ce terme). J'entends par ce mot la partie de la Terre qui est antérieure à la biosphère et la supporte : il s'agit du sol, des roches, des océans, des lacs, des montagnes, bref, de la partie géologique de la planète. On pourrait même penser à y inclure l'atmosphère. (Et enfin, certains parleront encore d'une troisième couche spirituelle, où résiderait en partie l'humain, mais il s'agit d'une autre question.)


Réaliser que nous vivons aussi dans une nature non-vivante extrêmement présente et mouvante est l'un des chocs éclairants que l'Islande suscite.


Tout comme la biodiversité est une notion associée à la biosphère, on peut parler d'une géodiversité, qui serait la notion analogue pour la géosphère. Une région possède alors une grande géodiversité lorsque cette diversité porte sur sa composante géologique.


Muni de ces termes, je dirais alors, en caricaturant largement, que :


la spécificité de la nature en Islande est sa grande géodiversité.


Le Fjallsarlon - Un glacier qui se jette dans une lagune entourée de volcanes, de cascades, de canyons et de tant d'autres choses...



Faut-il préserver la géodiversité au même titre que la biodiversité ?


Cela fait un certain nombre d'années que je m'intéresse à la protection de la nature. Si la notion de biodiversité est largement répandue, il me semble étonnant que celle de géodiversité n'ait pas connu la même diffusion. Est-ce parce que j'ai vécu en Belgique, où la géodiversité semble moins frappante qu'en Islande ? Nul doute que les géographes, géologues et scientifiques de l'environnement travaillent déjà avec cet outil conceptuel, mais sa connaissance auprès du grand public reste faible.


En tout cas, faire intervenir la géodiversité risque de changer fortement les termes du débat. On pourrait défendre qu'il ne faut pas exploiter les ressources naturelles d'une région au nom du maintien de sa géodiversité (pensons à un gisement d'une roche prisée par l'industrie, par exemple). C'est là un argument très différent de celui invoquant, par exemple, la pollution générée par l'exploitation (pollution qui, souvent, affecte la biodiversité, justement...).


Ceci amène inévitablement à la question fondamentale : en quoi une grande géodiversité a-t-elle de la valeur ?



Géodiversité ou diversité des paysages ?


La notion de "paysage" entre en jeu lorsque l'on tente d'évaluer la richesse d'une région sans mettre en avant la vie qu'elle héberge. Quelle est la différence entre un "paysage" et une simple "région" ? Bien que cela soit objet de débat, je dirais ici que lorsqu'on parle de paysage, on y inclut déjà une certaine dimension esthétique ou visuelle : un paysage est une région telle qu'elle se révèle à la vue ou aux sens. Un travail étymologique sur différentes traductions du mot "paysage" serait passionnant.


Des formations telles que les montagnes, les cours d'eau, les cascades, les sols aux diverses textures, sont des protagonistes majeurs dans les paysages. Mais la géodiversité d'une région ne rime pas nécessairement avec la diversité de ses paysages, pour la simple raison que cette géodiversité peut ne pas être visible. Une plaine apparemment monotone peut abriter dans son sous-sol une grande géodiversité. Il s'agit donc bien de deux types de diversités différents, qui donnent des orientations particulières au débat environnemental.


En plus d'une grande géodiversité, due à son histoire géologique, l'Islande possède aussi une incroyable diversité de paysages, d'où le fait qu'elle s'est imposée comme un lieu de "pèlerinage" pour tous les photographes paysagistes de la planète. Ainsi, la valeur globale de la nature islandaise ne peut pas se comprendre à partir de la notion habituelle de biodiversité. (Même si elle héberge une vie intéressante, paix à la mascotte islandaise qu'est le macareux moine !)



Où est l'homme ?


Si la notion de géosphère exclut par définition toute forme de vie biologique, celle de paysage peut intégrer une présence vivante et, particulièrement, humaine. Ainsi, un paysage n'est pas nécessairement une scène naturelle absolument sauvage; elle peut être une scène qui résulte d'une intervention humaine.


Ainsi, avec la notion de paysage, l'homme n'est pas nécessairement vu comme un inévitable "destructeur" de la nature : il peut au contraire œuvrer à augmenter sa richesse, comme le conçoivent certaines approches modernes ou traditionnelles.


***


En conclusion, l'Islande nous rappelle que dans la nature, il y a bien sûr le vivant, mais également le non-vivant. La terre, la roche, les montagnes, les cours d'eau, tout cela existe aussi ! Cette prise de conscience, qui m'a marqué même si d'autres peuvent la trouver évidente, suffit à donner une autre saveur au débat environnemental actuel fortement centré sur la préservation du vivant.






Remerciement :

J'aimerais ici remercier la philosophe islandaise que nous avons rencontrée, Gudbjorg Johannesdottir, pour les éclairages précieux qu'elle apporte à la notion de paysage (et qu'elle développe notamment dans sa thèse).

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