Interviews : la protection de la nature au Costa Rica

Le Costa Rica jouit de la réputation d'être l'un des pays les plus "verts" au monde. Même si, dans notre projet, nous ne chercherons pas à analyser la politique environnementale du pays en profondeur (il faudrait une thèse entière dessus), nous espérions pouvoir aborder cet aspect durant notre séjour.

Et ce fut possible ! Nous avons pu rencontrer deux personnes : Jessica, consultante en matière d'environnement au Costa Rica, et Oscar Sanchez Chaves, de la FONAFIFO. Quelques explications sur ce dernier sigle d'abord...

La monétarisation de la nature - Interview d'Oscar Sanchez Chaves

En 1983, 26% des terres étaient couvertes de forêt et le taux de déforestation était faramineux. Aujourd'hui, les forêts recouvrent près de 55% des terres et le pays est un modèle mondial en terme de politique environnementale. Ce revirement de situation est essentiellement dû à un facteur : le gouvernement a mis en place des incitants économiques en faveur de l'environnement.

En particulier, le système des PSA (Pago por Servicios Ambiantales, "paiements pour services environnementaux", ou Payment for Environmental Services en anglais) repose sur l'idée qu'une nature en bonne santé rend service aux populations humaines en leur fournissant (in)directement de l'eau, de la nourriture, de l'énergie, de la santé, du divertissement, de l'inspiration, etc. Par ce système, l'État paie pour ces services en subsidiant des propriétaires terriens contre leur engagement à préserver (ou restaurer) les forêts sur leurs terres.

En quelques décennies, de nombreux propriétaires ont bénéficié de ce système, ce qui a (officiellement) boosté l'expansion des forêts dans le pays. C'est un mécanisme efficace et juteux car le Costa Rica revend ses quotas carbone aux autres pays.

Le sujet est vaste et complexe. Qui sont les bénéficiaires de ces subsides (grands propriétaires, petits agriculteurs, peuples indigènes) ? L'augmentation de la surface forestière rime-t-elle avec une meilleure préservation de l'environnement (quid de la biodiversité, du traitement de l'eau, de la préservation des espèces menacées, etc.) ? Est-il légitime de payer pour profiter des bienfaits de la nature ?

Au Costa Rica, le système des PSA est géré par la FONAFIFO, une institution gouvernementale. Nous avons pu interviewer Oscar Sanchez Chaves, le directeur du service en charge des PSA, dans les locaux de la FONAFIFO à San Jose.

Après avoir passé tant de temps à interviewer des personnes évoluant près de la nature, nous avions perdu l'habitude des bâtiments organisés faits de béton ! Un avantage toutefois : dans un tel environnement contrôlé, la capture du son est parfaite (alors que dans la forêt tropicale avec la pluie et les bruits parasites incessants, c'est moins facile...).

L'interview fut très agréable, M. Sanchez Chaves étant très gentil. Ses réponses furent claires, directes et riches en informations. Nous lui avons posé des questions sur le fonctionnement du système PSA, sa réussite, ses difficultés, ainsi que sur l'idée même de quantifier par de l'argent les bienfaits de la nature.

Interview de Jessica Roccard

Jessica Roccard est une connaissance de notre hébergeuse Marie. Elle a fait une thèse de doctorat sur l'adaptation spontanée de certaines populations africaines au changement climatique, en particulier dans le domaine de la gestion de l'eau. Au Costa Rica, elle est actuellement consultante pour des questions environnementales.

Nous avons pu l'interviewer à propos des effets du réchauffement climatique et de la gestion de l'eau au Costa Rica. Malgré la réputation "verte" du pays, la pollution de l'eau y est un problème grave. Selon elle, un des facteurs ayant mené à cette situation est l'idée, encore répandue dans la population, que l'eau est une ressource inépuisable, qui n'exige pas que l'on y fasse attention... Par conséquent, les eaux usées sont massivement déversées dans les rivières, sans traitement, et l'eau courante est très peu chère (ce dont la population se réjouit). Pas facile donc de financer des mesures de traitement de l'eau sans susciter du mécontentement...

Épilogue

À l'issue de notre séjour au Costa Rica, une réflexion surgit. Qu'est-ce qu'un pays "écolo" ? Est-ce un pays possédant beaucoup de verdure (donc fournissant potentiellement beaucoup de services environnementaux tels que la séquestration du carbone), ou bien est-ce un pays dont les citoyens ont une conscience des problèmes environnementaux et agissent en conséquence ?

Le Costa Rica possède beaucoup de verdure, c'est indéniable, mais le peuple n'a pas nécessairement une conscience écologique poussée (comme en témoigne la pollution de l'eau). Mais sous d'autres points de vue, plus traditionnels et peut-être moins pratiques, la population valorise la nature qui l'entoure et sa préservation. Les gens peuvent jeter des sacs en plastique dans la nature tout en chérissant la valeur d'un arbre.

Comme l'on s'y attendait donc, le pays est plus complexe que ne le laisse penser sa réputation. Une chose semble sûre : on y verra encore pendant longtemps sa mascotte...